Le grand orgue

Emplacement de l'orgue dans la Cathédrale

Le grand orgue de la Cathédrale est tout à fait remarquable, tant sur le plan musical que sur le plan esthétique. Il trône au-dessus des portails d'entrée, posé sur une superbe tribune voûtée, et son imposante présence contribue très largement au caractère d'ensemble du monument.

Nous allons voir que son histoire fait écho à celle de la Cathédrale, car il aura fallu bien des années et bien des vicissitudes pour parvenir à l'instrument que nous connaissons aujourd'hui.

Les grandes orgues vues de la nef

Premiers temps

En 1434, lorsque le nouvel édifice commence à s'élever, l'usage liturgique du jeu d'orgue est relativement récent, mais on peut tout de même supposer qu'un petit instrument est envisagé dès l'abord; d'ailleurs, un document de 1466 atteste le règlement de « quatre livres quinze sols » pour un réparateur d'orgues.

Il faut attendre près d'un siècle après la pose de la première pierre de la Cathédrale pour voir trace d'une commande de véritables grandes orgues (1531, marché passé avec Grégoire Ambrosy) qui seront quelques années plus tard installées sur le jubé, ce qui correspond à peu près, dans la configuration actuelle, au niveau du transept.

XVIIè siècle

L'orgue en 1620

L'instrument tel que nous le connaissons de nos jours apparaît encore un siècle plus tard, soit au début du XVIIè siècle. Il ne s'agit encore que d'une forme primitive du grand orgue, qui sera ensuite complété peu à peu au fil des ans. Le facteur qui emporte le marché pour 7600 livres s'appelle Jacques Girardet. En 1620, à réception des travaux, l'instrument initial comportait 3 claviers: un clavier de positif avec 49 notes, un clavier de grand-orgue également à 49 notes, et un clavier de pédales à 30 notes. L'illustration ci-contre (photo récente maladroitement retouchée par mes soins, que les graphistes experts me pardonnent!) donne une idée de l'aspect de l'orgue au XVIIè siècle.

XVIIIè siècle

C'est sur la deuxième moitié de ce siècle que vont s'effectuer des modifications de grande importance. Tout d'abord, Adrien Lépine pose un «jeu de bombarde» en 1767, et l'année suivante le Chapitre décide de faire à nouveau appel à ses services pour augmenter l'orgue de deux tourelles latérales contenant 10 tuyaux de montre neufs, avec 5 nouveaux jeux.

Les travaux dirigés par Lépine vont en fait amener l'orgue à l'aspect extérieur que l'on connaît aujourd'hui, avec ces tourelles soutenues par de superbes cariatides.

Mais une dizaine d'années plus tard, en 1780, il est décidé de s'attaquer à un travail considérable: celui de la réparation de l'ensemble de l'instrument, réparation qui devenait urgente. Cette fois, il est fait appel à François-Henri Clicquot, beau-frère de Lépine et facteur d'orgues de grand génie. Clicquot va refaire entièrement l'orgue jusqu'en 1785, pour l'énorme somme de 20.000 livres. L'instrument bénéficie désormais de 49 jeux sur 6 claviers:

La tribune d'orgue

(Ill. de gauche: la tribune d'orgue aux clés de voûte pendantes.)

Néanmoins, ce XVIIIè siècle qui voit naître le chef-d'oeuvre qu'est l'orgue de Clicquot voit aussi apparaître la Révolution française, et avec elle de grands risques concernant l'existence même de l'instrument, risques évidemment liés à son rôle liturgique. Le Comité Révolutionnaire en avait d'ailleurs dans un premier temps décidé la destruction, mais celle-ci fut finalement évitée, les révolutionnaires s'étant avisés que la musique d'orgue pourrait aussi bien accompagner les fêtes républicaines (comme le confirme une décision gouvernementale de 1799). On saura particulièrement gré à l'organiste de l'époque, Denis Joubert, d'avoir su si habilement plaider la cause de l'orgue en ces temps troublés : c'est en grande partie grâce à lui que nous connaissons aujourd'hui cet instrument.

 

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XIXè siècle

Même si l'orgue est préservé par la Révolution, il en subit d'une certaine façon les conséquences dans la mesure où les ressources financières pouvant lui être attribuées sont en net déclin. Aussi voit-on peu de travaux de fond à la suite de l'oeuvre de Clicquot, à l'exception du «nettoiement» dû à Christian Nyssen au tout début du siècle. Il faut attendre encore près de 100 ans pour voir, en 1866, l'acceptation du devis du facteur parisien Merklin-Schutze, qui procèdera essentiellement à un changement de la soufflerie, qui était bien fatiguée, ainsi qu'à quelques modifications et enrichissements sur les jeux, mais ne remettant pas en cause l'esprit de Clicquot.

XXè siècle

Dans l'entre-deux-guerres, on envisage à nouveau un travail de rénovation puisque trois quarts de siècle ont passé depuis l'intervention de Merklin. Aussi va-t-on choisir la maison nantaise Beuchet-Debierre, qui remettra en 1933 un orgue rénové, techniquement modernisé, mais gardant toujours son caractère d'origine.

Malheureusement, la guerre éclate à nouveau peu de temps après, et ce sont les bombardements cette fois qui mettent l'orgue en péril. Le 16 septembre 1943, et à nouveau le 15 juin 1944, la Cathédrale est rudement touchée, et l'orgue, s'il parvient à survivre, n'en est pas épargné pour autant. On comprend donc aisément pourquoi, à la suite de la guerre, on lance un nouveau projet de restauration qui échoit en 1955 à Joseph Beuchet (c'est à nouveau, donc, la maison Beuchet-Debierre qui apporte sa touche à l'instrument).

Cariatides de la tribune d'orgue

Mais ce travail va considérablement se prolonger, puisqu'en 1960, l'administration des Monuments Historiques décide de procéder à des réfections plus urgentes sur les voûtes et la tribune : on doit donc démonter l'orgue en 1961, pour une période de 10 ans! Ceci explique donc que la restauration d'après-guerre soit en réalité datée de 1971...

(Ill. de droite: les cariatides sous la tribune d'orgue)

 

Aujourd'hui, l'orgue est-il achevé? Pas vraiment, si l'on considère que le projet initial (pour les derniers travaux) devait porter le nombre de jeux à 89. À l'heure actuelle, il en possède 74, avec 4 claviers manuels portés à 61 notes (grand-orgue, positif, récit et bombarde) et le pédalier à 32.

Quoiqu'il en soit, il compte de nombreux admirateurs et protecteurs, qui se portent régulièrement à son chevet pour réfléchir à son avenir. Cet instrument qui a su traverser les années (près de 4 siècles se sont écoulés depuis 1619!) a résisté au Temps comme à la Révolution ou à l'incendie de 1972, son histoire est fait d'évolution, d'adaptation, comme l'est celle de toute la Cathédrale : cette histoire n'est certainement pas finie.

Voici une vidéo montrant Félix Moreau à l'orgue, tirée du site Culturebox de France 3.

 

Une autre vidéo pour terminer, et en attendant qu'une page spécifique soit ici dédiée également au «petit orgue» : il s'agit d'un reportage de la chaîne nantaise 7 Nantes, qui présente l'abbé Niel aux commandes de l'orgue de choeur.

 

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NB : Cette page doit toutes ses informations aux travaux de Félix Moreau, organiste titulaire de la Cathédrale, qui a consigné le résultat de ses recherches dans un livret illustré par les photos de Pascale Winkel. D'autres de ses photos sont par ailleurs disponibles sur Musica et Memoria, avec un article semblable à celui-ci, et on trouve également un article très intéressant de P.Winkel sur Félix Moreau, accompagné de plusieurs documents sonores permettant d'entendre l'orgue. L'association Hymnal a d'ailleurs publié tout un site pour mieux faire connaître l'orgue et son titulaire.